Être fromager en Bretagne, ou retourner à « l’aliment-terre »

De droite à gauche : Benny HAERLIN, Serge BRASSEBIN; Hannes LORENZEN; Euriell COATRIEUX; Karen HANSEN-KUHN et Samuel FERET. BRASSEBIN et COATRIEUX sont fromagers, les autres personnes font partie de l’association ARC2020.  Photo © ARC2020

Être fromager en Bretagne, ou retourner à « l’aliment-terre » en suivant son propre chemin

Comment faire pour que des jeunes retournent à la terre et dans les campagnes ? Comment les associer à la culture locale et à l’économie locale ? Il existe de nombreux moyens. Voici une approche que quelques-uns ont adoptée en Bretagne.

L’agriculture et la production alimentaire agro-écologiques peuvent offrir un modèle de repeuplement des campagnes. Celles-ci peuvent offrir davantage de main-d’œuvre, en particulier pour ce qui concerne l’horticulture et l’agriculture mixte. Et, dans tous les cas, l’agro-écologie et l’agriculture biologique se prêtent à des pratiques plus mixtes et plus diversifiées. Elles s’accordent également bien avec l’éthique des jeunes des zones urbaines ou même de l’étranger qui souhaitent s’installer à la campagne.

Il existe différentes façons de développer les entreprises d’alimentation biologique à la ferme – et de contribuer à la lutte contre l’exode rural également. L ‘équipe de l’association ARC2020 a eu l’occasion d’en découvrir deux lors d’un voyage d’étude en Bretagne. Après avoir rendu visite à Paul-Gildas DRENO, le producteur laitier biologique sans stress, nous avons ensuite rendu visite à Serge et Euriell.

Ce que nous y découvrons, a l’aspect d’une ferme. Cela ressemble tout à fait à une ferme. En substance, bien sûr, c’est une ferme. Cependant, petite précision : nous découvrons une entreprise alimentaire au sein de l’exploitation.

Serge BRASSEBIN et Euriell COATRIEUX sont, avant tout, fromagers. Ils emploient un ouvrier agricole qui prend en charge les travaux de plein air comprenant l’ensemble de tâches agricoles excepté la traite. Ainsi, tout ce qui concerne la gestion des prairies, les achats et les ventes, la sélection des races, l’élevage, sont effectués par cet ouvrier originaire de la région.

Serge BRASSEBIN et  Euriell COATRIEUX poursuivent, selon eux, une approche d’agriculture collective qui implique la transparence par rapport aux ouvriers. Serge est cuisinier de formation, Euriell est dans l’histoire : aucun des deux n’est issu du monde agricole.

Pour faire fonctionner leur entreprise de production alimentaire installée sur la ferme biologique, le couple travaille en binôme pour produire toute une gamme de fromages, de lait, de beurre et de yaourts. Tout est produit sur place. La production est ensuite proposée en vente directe sur trois marchés locaux.

La salle de traite se trouve juste à côté de l’atelier de transformation du lait. Serge et Euriell traient les vaches une fois par jour. Ils en produisent une gamme de cinq fromages dénommée « Ferme de Kerdavid », du jeune à l’affiné et plus basé sur les méthodes de style normand que breton.

Lorsque l’offre est faible, plutôt que d’acheter du lait ou du fromage, ils se contentent d’interrompre la production et la distribution de fromage et de se concentrer sur d’autres activités.

When supply runs low, rather than buy in milk or cheese, they simply take time off cheese production and distribution, and focus on other things.

Pour eux, cette histoire du fromage fermier unique à l’exploitation et vendu localement est essentiel :   ils s’arrêtent périodiquement pour faire autre chose, plutôt que d’acheter du lait biologique d’ailleurs. Ce serait un message trop déroutant pour leurs clients, pensent-ils.

Un fromage Ferme de Kerdavid. Photo © ARC2020

Le couple a deux cuves à lait, l’une pour l’approvisionnement de l’organisation de producteurs de lait biologique Biolait, l’autre pour leurs propres transformations. Le (petit) pourcentage qui va à Biolait est destiné à la gamme de lait écrémé de Biolait, et tend à être un surplus saisonnier.  Biolait collecte les laitages de 1000 agriculteurs biologiques de toutes les régions de France – même les plus reculées – et se développe rapidement comme une force dans le secteur biologique français.

Leurs 22 vaches paissent sur 55 hectares. Sur une soixantaine de lactations, les vaches (essentiellement Montbéliardes) produisent un peu moins de 5000 litres de lait par an Bien que cela puisse sembler un taux de chargement très confortable – pour les vaches – la terre est à la fois sèche et salée, de sorte que la capacité de charge est de toute façon inférieure.  Les vaches ne reçoivent pas d’ensilage, mais du foin biologique, tandis que le sorgho est pâturé dans les champs.

Comme c’est généralement le cas en France, les machines sont soit louées, soit fournies par la CUMA locale – la coopérative de machines.

L’exode rural n’est donc pas une fatalité. Il existe toute une gamme d’approches, adoptées par toutes sortes de personnes, pour se connecter davantage de la terre et de la nourriture.

Article traduit de l’anglaisUne version de cet article a paru dans la rubrique agricultrice du quotidien irlandais, l’Irish Examiner, en version presse écrite.

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