Les exploitations agricoles doivent être économiquement viables pour survivre et même prospérer. Néanmoins, au fil des ans, il est utile de réfléchir à la façon dont la vie agricole est vécue. Stress, charge de travail, endettement : quel est l’impact sur le bien-être ?
En Bretagne, à l’occasion d’une réunion de l’association ARC2020 sur la politique agroalimentaire européenne, notre équipe a découvert une ferme où il semblait que le mode de vie et les revenus étaient tous deux optimisés.
Cette ferme, une ferme laitière biologique dirigée par Paul-Gildas Dréno, était assez proche de la mer, ce qui présentait un défi particulier. Non seulement , celle-ci doit faire face à une saison courte de croissance d’herbe, mais doit aussi faire face ) une terre sèche avec des niveaux plus élevés de sel en raison de sa proximité avec la mer. Pour compenser cet excédent, l’agriculteur ajoute 10 tonnes de compost par hectare, en automne, pour améliorer la qualité du sol et de l’herbe.
La coopérative dont il est membre – BIOLAIT – fixe le prix de son propre lait biologique à 45c le litre. Elle compte aujourd’hui plus de 1000 membres, qui fournissent 170 millions de litres de lait. La croissance du secteur biologique en France – tant la production que la consommation – est extraordinairement rapide, et le nombre de membres de BIOLAIT augmente également rapidement.
Alors qu’il exploite 150 hectares, il n’en possède que 30. La location des terres agricoles étant une pratique assez rare en Irlande, je m’interroge donc sur la logique de louer une telle superficie à long terme. En 1992, le père de Paula commencé à pratiquer l’agriculture biologique. En 1998, son fils prend la relève. Au lieu de gaspiller son argent dans le loyer, pourquoi ne pas racheter ces terres ?
Il s’avère que le marché de la location de terres agricoles en France fonctionne de manière très spécifique. Le prix est fixé par un tiers sur la base d’expertises validées au préalable. Par conséquent, PaulPaul sait d’année en année quel sera son loyer – ce qui correspond à 100 € l’hectare normalement. Un loyer tout à fait abordable au vu de ses revenus de 45 centimes le litre. La traite a lieu deux fois par jour, tandis que la collecte se fait tous les trois jours.
It turns out that the rental market for agricultural land in France operates in a very specific way. The price is set by a third party, based on agreed evaluations. So Paul knows year on year what his rent will be – typically 100 euro a hectare. And at 45c a litre, 100 euros per hectare is very affordable. Milking is twice a day, while collection is every third day.
En raison de la certification biologique et de la qualité des terres, son taux de chargement est de 0,8 par hectare. En complément de son élevage de 65 vaches (Salers et normandes), l’agriculteur cultive 70 hectares de maïs. Bien qu’il vende certains animaux pour les jeunes bovins, le prix de la viande de bœuf biologique est faible par rapport à celui des produits laitiers en France – “ils la veulent blanche”, me dit-il, en référence à la préférence française pour le veau.
Paul cultive son propre fourrage par rotation de trois cultures : le maïs, l’herbe, ainsi qu’un mélange pois- céréales. « Je fais confiance à ce qui pousse », dit-il, faisant allusion aux contaminations du fourrage qui ont suscité des polémiques lors des dernières années.
Autre particularité du système français : la quantité de machines disponibles via une coopérative appelée CUMA. Paul en profite pour pouvoir réaliser de nombreuses tâches sur l’exploitation. Par contre, dans d’autres États membres, les agriculteurs préfèrent acheter leur propre matériel (même si en fait la banque en est finalement propriétaire). Chaque CUMA régionale possède des dizaines d’appareils agricoles.
Les agriculteurs locaux sont en train d’adapter leur technologie d’une manière que Paul juge ambivalente « je ne suis pas contre la technologie, cependant il ne faut pas en dépendre. Sinon l’entreprise finit par vous posséder. »
On peut citer comme exemple un producteur laitier local qui utilise des drones pour rassembler ses vaches pour leur traite quotidienne ; un autre exemple est la traite robotisée, que des agriculteurs biologiques en Irlande comme Pat Mulroney emploient également.
« Je pourrais bien m’endetter améliorer la traite en installant un robot » avoue Paul. On se trouve à l’intérieur de sa salle de traite. Peu de lumière, de nombreuses toiles d’araignées au-dessus de nos têtes. « Au lieu de faire cela, j’ai un salarié. Je préfère donner l’argent à une personne plutôt qu’à une banque“ , dit-il, l’air de rien, en haussant les épaules à cette manière unique aux Français.
Plus tard ce week-end-là, j’ai revu Paul, sur la côte où les yachts blancs s’alignaient au moment où le fleuve rencontrait la mer. Souriant, il marchait avec sa femme bras dessus, bras dessous.
Il me semble que ce laitier breton concilie le travail et la vie personnelle.
Article traduit de l’anglais. Une version de cet article a paru dans la rubrique agricultrice du quotidien irlandais, l’Irish Examiner, en version presse écrite.
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