Crise laitière | Les leçons du secteur laitier biologique français

Newborn calf and mother cow on an organic holding
Newborn calf and mother cow on an organic holding

Le secteur laitier biologique en France présente de différences importantes – mais aussi quelques points communs – par rapport au secteur laitier conventionnel. La demande croissante des consommateurs, les organisations de producteurs et l’offre régionale de cultures fourragères figurent parmi les différences – tout comme le découplage des prix biologiques et conventionnels. Article rédigé par Biolait, la première coopérative laitière biologique en France, dans le cadre de notre débat autour de la crise laitière.

Alors que l’on constatait déjà en 2015, qu’une exploitation sur 4 avait été supprimée depuis 10 ans, la crise laitière internationale actuelle va venir amplifier dramatiquement ce phénomène avec sa cohorte de conséquences sur les plans économiques, sociaux et environnementaux.

Cette crise est née de plusieurs facteurs concomitants (fin des quotas laitiers, embargo russe, ralentissement important de la demande chinoise, augmentation de la production européenne). Difficile d’indiquer la part de chacun mais force est de constater aujourd’hui que c’est bien sur les volumes mis en marché que les Européens pourraient agir.

Seule, une action politique au plus haut niveau serait en mesure de rétablir un équilibre du marché par une réduction obligatoire des volumes. Tel ne semble pas être le cas, les compétitions intra-communautaires semblant plus d’actualité qu’une politique  de régulation concertée.

Après la précédente crise de 2009, des contrats ont été instaurés entre producteurs et industriels. Cinq ans après leur mise en place, force est de constater que cette contractualisation a renforcé le pouvoir des entreprises sur les producteurs. La renégociation de ces contrats nécessiterait une véritable implication des producteurs, tant sur les aspects commerciaux que sur la mise en place d’une politique de gestion des volumes.

Du côté de la filière laitière biologique, les choses se passent différemment. Sur ce petit marché (2.5 % de la production laitière française), plusieurs raisons permettent de garder un prix capable d’assurer un revenu décent aux producteurs :

  • Tout d’abord, la forte croissance de la consommation Bio (de l’ordre de + 20 % depuis 18 mois) assure de nombreux débouchés à une matière première plus en phase avec les attentes sociétales et nécessaires à de nouveaux projets industriels d’envergure sur de nouveaux créneaux de valorisation.
  • Ensuite, le prix producteur se forme à travers le poids des négociations d’OP commerciales (dont Biolait est un acteur important) pesant environ un tiers des volumes. La connexion historique du prix du lait Bio à celui du conventionnel par les acteurs mixtes de la filière est aujourd’hui sérieusement battu en brèche car ces négociations se font sur la base des coûts de production et non pas sur d’hypothétiques relations internationales au gré d’intérêts financiers contradictoires.
  • Enfin, le mode de production d’une grande part des fermes laitières biologiques est basé sur l’autonomie alimentaire des fermes. Cela leur permet incontestablement d’être plus résilientes.

Dans ce contexte, le lait Bio est-il une alternative à la crise du lait conventionnel dont personne ne voit aujourd’hui l’issue ? Sans être une réponse globale, il peut y prendre sa part mais le maintien durable de la valeur de la production dans l’intérêt des producteurs ne se fera qu’à 4 conditions :

  1. Une forte implication des producteurs dans la maîtrise de l’offre nécessitant de bien gérer les volumes mis en marché sur certaines périodes.
  2. La poursuite d’un mode de production autonome garant d’une véritable indépendance des fermes laitières Bio françaises vis-à-vis du système d’agrofourniture.
  3. Le maintien d’un cahier des charges assurant la crédibilité du produit et sa parfaite traçabilité vis-à-vis d’attentes sociétales fortes.
  4. L’assurance de règles protectrices permettant de produire Bio sans risques de contaminations extérieures.

C’est en ce sens que Biolait a mis en place une démarche qualité visant à mieux qualifier notre lait tant sur la manière de le produire que sur ces qualités intrinsèques.

Fort de ces 3 axes, l’OP Commerciale Biolait poursuit son développement en ayant aujourd’hui des bases de collecte sur la quasi-totalité des territoires français producteurs de lait. La nouvelle possibilité de recréer des élevages laitiers sur des fermes sans historique de quotas s’est d’ailleurs concrétisée une quinzaine de fois depuis un an.

La Bio partout et pour tous, slogan fondateur de notre Groupement est aujourd’hui en passe de devenir une réalité tant pour les producteurs que pour les nombreuses laiteries encore vivantes au pays des 360 fromages.

Article rédigé par BIOLAIT, première coopérative laitière biologique en France. L’article en français a été rédigé en exclusivité pour ARC2020. La version anglaise a été traduit par Peter Crosskey.

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