Agroécologie | Une réponse aux défis

Photo © Christophe MILOT

par Guillaume Cros, rapporteur du Comité européen des Régions sur l’agroécologie et la réforme PAC

L’agroécologie est une réponse aux défis environnementaux, sociaux et territoriaux de l’agriculture européenne et doit orienter la nouvelle PAC, insiste Guillaume Cros, rapporteur du Comité européen des Régions sur l’agroécologie et la réforme PAC.

Le Comité UE des Régions (CdR) a adopté le 3 février un avis d’initiative sur l’agroécologie qui recommande aux colégislateurs européens de réformer les politiques de l’UE, notamment en matière agricole, commerciale, de recherche, ……

L’Union européenne, avec ses objectifs climatiques, le Pacte vert, les stratégies « De la ferme à la table » (F2F) et « Biodiversité », s’est fixée des objectifs qui supposent une transformation systémique des modes de production agricole et des systèmes alimentaires. La future PAC en cours de négociation doit donc soutenir la nécessaire transition agroécologique.

La pandémie actuelle a mis au jour les faiblesses de notre système agro-alimentaire mondialisé. Une nouvelle approche agronomique, sociale et territoriale est incontournable pour répondre aux multiples défis auxquels nous sommes confrontés : décarboner notre agriculture, assurer la reconquête de la biodiversité, restaurer la fertilité des sols et renforcer la résilience économique et sociale de nos exploitations, pour garantir à tout un chacun des denrées alimentaires saines, locales et abordables. L’agroécologie permettra à l’Europe de sécuriser ses approvisionnements alimentaires à court terme et le long terme. Reposant sur un tissu de petites et moyennes exploitations, elle jouera un rôle primordial dans la revitalisation des zones rurales et la cohésion territoriale de l’UE.

L’agroécologie, qui développe une agriculture avec et dans la nature, n’est pas un retour au passé ; elle est plus complexe que les pratiques agricoles basées sur la chimie et le pétrole, et combine des performances environnementales, économiques et sociales, ainsi que des pratiques agronomiques et sociales issues d’expérimentations innovantes, de savoir-faire et de recherche publique. Par ailleurs, et ce n’est pas le moindre, l’agroécologie offre une meilleure rentabilité des exploitations agricoles.

La future PAC doit favoriser davantage les pratiques agroécologiques telles que, par exemple, des arbres autour/dans les parcelles. Photo © Christophe MILOT

Nos recommandations pour la réforme PAC :

Si les grandes exploitations, qui se sont beaucoup agrandies grâce aux aides non plafonnées de la PAC, sont un désert pour la biodiversité, elles sont aussi un désert social, où l’emploi rural et les services publics ont disparu. Les économies d’échelle, liées au remplacement du travail par le pétrole et la chimie ainsi qu’aux aides de la PAC favorisant les grandes dimensions, ne sont plus d’actualité. Elles ne sont d’ailleurs guère pertinentes en élevage.

L’agroécologie ne pourra donc se développer si les paiements directs de la PAC continuent d’être attribués en fonction du nombre d’hectares plutôt que du nombre d’actifs sur l’exploitation. Le CdR propose de passer progressivement d’un paiement de base à l’hectare à un paiement de base lié au nombre de personnes actives sur l’exploitation, et d’affecter en priorité les paiements directs aux petites et moyennes exploitations agroécologiques. Nous proposons de plafonner significativement les paiements directs par exploitation.

Nous proposons que des objectifs environnementaux européens communs chiffrés soient inclus au règlement sur les plans stratégiques nationaux, intégrant les objectifs de la stratégie F2F en termes d’utilisation d’engrais et de pesticides, ainsi que de surface en bio. Un minimum de 30 % de l’enveloppe nationale des paiements doit être consacré aux éco-dispositifs. Ces éco-dispositifs devraient comporter des systèmes de bonus/malus : par exemple, un bonus pour une plus grande diversification des cultures financé par un malus sur les engrais et pesticides chimiques et un bonus pour un élevage en pâture financé par un malus sur les gaz à effet de serre proportionnel au nombre d’animaux ruminants élevés, ainsi que sur l’usage d’antibiotiques.

La future PAC doit favoriser davantage les pratiques agroécologiques telles que, par exemple,

– la diversification des cultures, qui rend les exploitations moins fragiles vis-à-vis des aléas naturels ou sectoriels,

– de longues rotations et des associations de plantes mutualisant les bénéfices agronomiques,

– des arbres, haies, mares, habitats pierreux autour/dans les parcelles,

– la culture de plantes légumineuses, qui incorporent naturellement de l’azote dans le sol,

– le mélange d’espèces et de variétés dans la même parcelle,

– une bonne et constante couverture des sols empêchant l’érosion,

– la réappropriation par l’agriculteur de semences paysannes locales et de races locales d’animaux, mieux adaptées au terroir et au climat,

– la polyculture-élevage,

– …..

Dans le cadre du second pilier de la PAC, nous donnons la priorité aux modes de production agroécologique, y compris l’agroforesterie, et à leurs approches collectives (coopération), aux mesures agro-environnementales, aux circuits courts, à la restauration bio et locale, à la formation et au conseil à l’agroécologie, l’agroforesterie et l’agro-sylvo-pastoralisme.

Nous proposons que l’élevage des ruminants s’oriente vers un pâturage permanent, excepté durant l’hivernage. Photo © Christophe MILOT

Elevage

Nous proposons que l’élevage des ruminants s’oriente vers un pâturage permanent, excepté durant l’hivernage et que l’élevage hors-sol industrialisé des monogastriques (porc, volailles), qui produit de nombreuses externalités négatives en termes de santé publique et d’environnement, évolue progressivement vers un élevage totalement ou partiellement à l’extérieur, avec un plafond d’animaux par bâtiment et par hectare de surface d’alimentation animale de l’exploitation.

Par ailleurs, l’UE doit mettre fin à l’élevage en cage, comme le demande l’initiative citoyenne récente.

Pour le bien-être animal, l’UE doit développer l’abattage à la ferme et les petits abattoirs.  Nous proposons de créer un label européen « bien-être animal » et recommandons aussi un étiquetage clair et obligatoire du mode d’élevage.

Le comité demande qu’une nouvelle législation européenne sur les semences libère l’utilisation et la commercialisation des semences paysannes et que, pour favoriser la biodiversité, la législation de l’UE exclue les semences génétiquement modifiées ou issues de mutagenèses

Autres politiques européennes

Pour favoriser le développement des circuits courts, il est nécessaire d’adapter les règles d’hygiène et les normes de transformation des produits à la ferme et, de manière plus générale, d’appliquer la législation alimentaire de façon adaptée aux petits producteurs, de même que les exigences en matière d’étiquetage. Il s’agit aussi de soutenir des projets locaux et collectifs de transformation locale (petit abattoir, abattoir mobile, légumerie, cuisine publique, infrastructures de marchés locaux comme des halles publiques ou magasins fermiers, etc.).

D’autres politiques européennes devront être mises en cohérence et en convergence avec l’approche agroécologique : à ce titre, le CdR

  • appelle la Commission européenne à proposer une nouvelle directive européenne sur les sols agricoles afin d’enrayer la baisse de leur teneur en substances organiques et d’arrêter leur érosion;
  • demande qu’une nouvelle législation européenne sur les semences libère l’utilisation et la commercialisation des semences paysannes et que, pour favoriser la biodiversité, la législation de l’UE exclue les semences génétiquement modifiées ou issues de mutagenèses;
  • propose à l’UE de mettre en œuvre les recommandations du Parlement européen dans son rapport d’initiative de 2017 sur la concentration de la terre agricole dans l’UE et les « directives volontaires pour la gouvernance foncière » adoptées par la FAO en 2012 afin de mieux sécuriser l’accès à la terre et de favoriser ainsi l’installation de jeunes agriculteurs;
  • recommande, la baisse de la TVA sur les produits bio, locaux et de saison, un chèque-repas «proximité» pour ces mêmes produits, un pourcentage significatif de produits bio, locaux et de saison dans la restauration collective;
  • demande que l’UE cesse d’importer des produits agricoles qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales de production européennes, dont la stratégie «De la ferme à la table», et concurrencent déloyalement les filières de productions européennes, ainsi que d’exporter à des prix inférieurs aux coûts de production européens des excédents européens qui ruinent souvent les producteurs de pays tiers;
  • recommande, comme dans son avis sur la PAC, la mise en place de nouvelles règles commerciales agricoles multilatérales et bilatérales plus justes, plus solidaires, qui intègrent l’approche agroécologique;
  • demande que la recherche publique indépendante en agroécologie/agroforesterie et la recherche participative avec les agriculteurs-chercheurs soient davantage soutenues au niveau européen, y compris dans le domaine des sciences sociales qui étudient les dynamiques de transition sociotechniques;
  • se félicite de l’initiative de la Commission de promouvoir et de coordonner un réseau d’expérimentations agroécologiques.
Les collectivités locales et régionales ont un rôle très actif à jouer dans la mise en œuvre de l’agroécologie. Photo © Christophe MILOT

Niveau local et régional

Les collectivités locales et régionales ont un rôle très actif à jouer dans la mise en œuvre de l’agroécologie, en particulier pour la formation technique des nouveaux entrants, l’aide à l’installation des jeunes agriculteurs, le conseil indépendant aux agriculteurs, l’appui aux circuits courts et à la transformation artisanale des produits agricoles, les règles sur le foncier agricole et l’urbanisme, le développement de zones agricoles protégées, la création de fermes de démonstration en agroécologie, ainsi que des outils de suivi de la mise en œuvre de la transition agroécologique;

Nous proposons des « contrats longs pour l’innovation agroécologique » entre des groupes d’agriculteurs et les pouvoirs publics locaux ou régionaux, dans le cadre des outils du partenariat européen d’innovation pour la productivité et le développement durable de l’agriculture.

Nous appelons l’UE à coordonner et à animer un réseau de communes qui se sont engagées à prendre des mesures en faveur de systèmes agricoles et alimentaires résilients et durables car on l’a vu pour le « Covenant of mayors » ou pour les « smarts villages », quand la commission fait des appels à projets et animent les réseaux, ça va plus vite.

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