Xavier Hamon, un cuisinier pas comme les autres, est co-fondateur du Consortium de l’alimentation durable, projet inspiré par une fête populaire qui réussit à réunir tout le monde sur un territoire. Nous vous invitons à découvrir son périple à travers les paroles de Xavier Hamon, qui raconte par la suite un tout dernier projet qu’il tient au cœur : une restauration sur la ferme. Deuxième partie de son entretien avec Valérie Geslin.
Et La fête de la vache nantaise dans tout cela ?
C’est une grande fête paysanne qui a lieu tous les 4 ans. Elle est portée par des éleveurs de la vache nantaise dans le pays de Redon. Cela a commencé tout petit et à la dernière édition, il y a eu 60 000 personnes en trois jours.
C’est une fête atypique magique où le bio on en parle mais ce n’est pas le sujet. Les races locales, on en parle mais ce n’est pas le sujet. La biodiversité on en parle mais ce n’est pas seulement le sujet.
Le sujet central c’est : comment cela réunit tout le monde sur un territoire ? C’est une alchimie rare. Les gens ne rateraient cette fête pour rien au monde. Moi, j’avais du temps et j’étais là deux ou trois jours par mois pour organiser une partie de cette fête. Il y a un terreau incroyable et cela embarque tout le monde : 1500 bénévoles pendant 3 jours. L’équipe d’organisation monte à 80 personnes. Il y avait une salariée en 2018. A la fin de la fête, ils ont dit si on recommence, il faut que l’on professionnalise certains postes parce que c’était trop gros !
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A la suite de cela, une proposition de création d’un collectif a été faite à la communauté d’agglomération de Redon : le Consortium de l’alimentation durable.
Le consortium est indépendant, il n’a pas d’entité juridique, c’est une convention entre plusieurs acteurs qui décident de s’associer pour un temps donné sur un sujet et qui délimite les attributions de chacun. L’objet, aujourd’hui, du consortium est de rassembler, assez largement, des acteurs locaux et des associations. On a fait un plaidoyer politique qui nous a tous réuni, la première construction politique collective. La communauté d’agglomération de Redon avait déjà cette appétence pour décloisonner et cela est devenu assez facile.
Ce consortium j’y suis attaché même si, aujourd’hui, il est un peu malmené. Il a permis de mesurer le poids qu’on a : un territoire qui sait ce qu’il veut malgré des freins politiques énormes. Le consortium n’a pas vocation à durer, juste le temps d’organiser autrement le territoire et que chacun se repositionne. Il faut qu’il s’impose aux politiques.
Ce qui est intéressant c’est d’associer les citoyens : Quand tu mets les citoyens qui ne sont pas dans ces milieux directement de la production à la transformation mais dans d’autres sphères, on mesure ses paroles et je trouve cela intéressant d’apprendre à ne pas dire tout et n’importe quoi, de le mesurer ou de l’argumenter.
En décembre dernier, on a dit aux élus qu’il fallait se donner les moyens d’aller plus loin. On a cherché des fonds européens, des subventions pour animer tout cela. Faute de réponses positives, on a décidé pour la première fois d’arrêter de se substituer aux financements des collectivités. On avait la coordination, on faisait pleins de choses et, encore une fois, le bénévolat remplace les manques.
Un restaurant à la ferme
J’en arrive au dernier sujet qui, pour moi, peut être une clé pour l’avenir. L’expérience que l’on vit avec la Ferme des 7 chemins avec l’idée d’une restauration sur la ferme est bien emblématique. Je rencontre, à travers les trois associés du GAEC, une autre frange de la dimension paysanne qui porte le développement économique, le développement personnel, la vie familiale. Ils m’ont dit : on aimerait créer une table à la ferme, venez, restaurateurs, réfléchir avec nous, à ce projet. Ce sont des copains restaurateurs parisiens qui réfléchissent avec eux.
Ces deux mondes travaillent ensemble depuis des années mais, sur ce projet en commun, ils ont besoin de mieux se connaître parce que les restaurateurs arrivent avec leurs coûts de restaurateur, leur réflexion et leur modèle économique et social. Et puis, il y a les producteurs avec leur ferme. C’est bien autre chose qu’un modèle économique ou une race locale, ils veulent en faire un lieu qui témoigne de ce qu’est un territoire où se concentre une activité culturelle. Il faut apprendre à faire ensemble.
Il y a aussi le client. On avait commencé un travail avec Mathieu [Hamon] et Cédric [Briand] sur le coût. Il y a un marché à la ferme tous les vendredis soir, je leur ai proposé de faire un atelier de cuisine à partir des produits qui sont sur le marché.
On a partagé ce repas. A la fin de la préparation, on a fait le coût de revient de la recette. Et la variable, c’était le salaire du cuisinier, c’était génial. J’avais mis tous les coûts y compris les coûts d’électricité, de loyer, etc… On avait divisé par le nombre de parts et la seule inconnue, c’était le coût horaire du cuisinier. On demandait aux gens de définir cette inconnue. Je n’ai jamais aussi bien gagné ma vie que ce jour-là ! Ils voulaient tous que nous soyons bien payés parce qu’ils estimaient qu’un salaire normal c’était 2000 – 2500 euros. Là, j’ai pu leur expliquer qu’ils étaient loin de la réalité. Ils étaient complètement effarés.
La question s’est aussi posée sur les produits de la ferme. Et la question était : Est-ce que vous en vivez ? Le restau, il doit servir à cela. Le projet de la ferme est crucial mais il n’y a pas de modèle. Il ne sera pas un modèle non plus. On pourra juste faire une restitution de toutes les étapes par lesquelles on a dû passer pour établir un équilibre.
Voilà, c’est mon rapport au monde paysan. Ce sont les rapports de force qu’il faut changer. La fameuse transition. Faire autrement, on sait faire, il y a de nombreuses solutions depuis longtemps. Par contre, ce que l’on ne sait pas faire, c’est donner les moyens à des organisations collectives d’émerger et ne pas vivre juste de fléchages politiques financiers. Il faut avoir la capacité à dégager du temps pour penser collectivement l’organisation sans perdre les pensées politiques.
Quelques phrases ont été modifiées par ARC 2020 pour faciliter la compréhension.
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