Extrait de livre | La politique agricole et alimentaire communale – PAAC – de Plessé

La liste électorale de Plessé, 2022. Photo : Mairie de Plessé

Aujourd’hui l’association ARC2020 annonce l’inauguration du livre « Rural Europe takes action – no more business as usual », édité en partenariat avec l’association Forum synergies. Recueil de véritables histoires d’ACTIONS pour soutenir les territoires rurales, puisées dans 25 pays européens – dont celle de la commune de Plessé (44) et sa politique agricole et alimentaire communale, que nous vous invitons à découvrir ci-dessous.

Prenant comme sources d’inspiration ces projets citoyens qui se déroulent sur le terrain, ce livre présente de propositions politiques mieux adaptées à la résilience des campagnes européennes, pour construire ensemble l’avenir de l’Europe rurale. Son coda : une régulation européenne « non écrite » pour une politique intégrée – rurale, agricole et alimentaire. Le livre est disponible à télécharger gratuitement ici (uniquement en anglais).

Cet après-midi le lancement officiel du livre a lieu au Parlement européen à Strasbourg. Aurélie Mézière, maire de Plessé, sera parmi les contributeurs à présenter son projet. En introduisant le livre, la présidente de Forum synergies, Katrīna Idū, et le président d’ARC2020, Hannes Lorenzen, accueillent également d’autres personnes qui y ont contribué leurs histoires : Anke Kähler, artisane-boulangère chez le mouvement « Die Freien Bäcker » (DE) ; Boban Ilic, sécretaire-general du Groupe de travail permanent des Balkans occidentaux sur l’agriculture and le développement rural (MKD), et George Cățean, agriculteur et ancien ministre de l’agriculture et de développement rural (RO). Robert Lukesch (A) présente la régulation « non écrite ».

Parmi les invités d’honneur : Dacian Cioloș, député européen et ancien commissaire à l’Agriculture et au Développement rural, qui d’ailleurs a rédigé l’avant-propos du livre ; Roberta Metsola, présidente du parlement euroopéen ; Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, et Isabel Estrada Carvalhais, rapporteure de la Commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI) pour le rapport sur la vision à long terme pour les territoires rurales de l’Union européenne.

Alors, plongeons-nous dans un de ces territoires : la commune de Plessé (44)

En France la compétence agricole est allouée aux communautés de communes ou aux communautés d’agglomération. Pourtant pour les communes rurales, cette question est au coeur de leurs préoccupations. Face à la disparition des petites exploitations agricoles, les élus de Plessé ont créé leur Politique Agricole et Alimentaire Communale (PAAC). Une collectivité qui fait le choix d’agir pour maintenir les corps de ferme vivants. Entretien avec la mairie de Plessé, extrait du livre « Rural Europe takes action – no more business as usual ».

Vue aérienne de Plessé. Photo : Mairie de Plessé

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La question agricole ne devrait pas relever de la seule compétence de la région et des communautés de communes. Il faut impliquer les collectivités afin de mettre en oeuvre des propositions concrètes dans les territoires et soutenir le monde paysan.

Au delà de la politique agricole commune (PAC), la commune de Plessé (44) élabore sa propre politique agricole et alimentaire communale (PAAC) pour relever les défis du territoire : l’augmentation du prix des terres et des maisons d’habitation à cause de la spéculation foncière, et la retraite prévue de 40 % des exploitant·e·s agricoles sur la commune dans les 5 ans qui viennent. Face à ces defis, la collectivité s’est fixée comme objectif de maintenir le même nombre d’agriculteurs sur sa commune, soit 90 recensés au début de leur mandat en 2019.

« Notre ambition reste d’aider globalement les agriculteurs·rices dans leur métier, de les épauler dans la transmission de leur ferme, de valoriser et de communiquer sur ce métier essentiel, et de préserver et protéger les ressources du territoire.

Dans le 2ème semestre 2020, pour soutenir notre PAAC au niveau communal, nous avons créé le comité agricole, alimentation, environnement et biodiversité. Ce comité est constitué de 12 élus et 26 citoyen·ne·s (VIPs – Volontaires Investis à Plessé) associé·s à cette problématique, dont 5-6 agriculteurs. Sa composition reflete l’importance de la transversalité en sauvegardant l’agriculture dans les territoires.

Il faut intégrer les gens dans le débat : nous réfléchissons avec eux sur les différents projets pour qu’ils aient conscience de l’enjeu global et de l’intérêt commun. »

« La collectivité s’est fixée comme objectif de maintenir le même nombre d’agriculteurs sur sa commune »

Ici, les citoyen·ne·s sont forces de proposition. La mairie se voit comme un facilitateur. Chacun·e a sa spécificité, son rôle et sa place ; chacun·e a sa propre expertise, ce qui est très importante. Comment mettre les expertises au service du projet ? Plus on implique des citoyens autour de projets communs, plus ils seront ambassadeurs de ceux-ci. Il faut une politique intergénérationnelle. En outre, l’opposition nous apporte des choses : il faut des gens en désaccord pour enrichir les débats et les projets. L’exemple de la convention citoyenne pour le climat a démontré que, si l’on fait de la pédagogie, on ne fait pas de la démagogie.

Pour réaliser son travail, le comité est accompagné par CAP 44 (Construire une Agriculture Paysanne Performante Plurielle), un soutien autofinancé.


Levier politique

L’établissement public foncier de Loire-Atlantique

Désormais les collectivités ont la possibilité de mobiliser le fonds de roulement de l’Etablissement public foncier de Loire-Atlantique. Chaque citoyen·ne français·e payera une taxe qui s’appelle la TSE (taxe spéciale équipement). Une partie de cette taxe permettra de faire fonctionner l’établissement public foncier et l’autre 70 % sera destiné à faire du portage foncier à destination des collectivités pendant 8 ans. Ce dispositif est possible pour les corps de ferme et les maisons d’habitations.


Le comité PAAC. Photo : Mairie de Plessé

6 axes de travail pour une politique agricole et alimentaire communale

Le comité en charge du dossier de la PAAC a défini 6 axes de travail.

  1. MAINTENIR LES EXPLOITATIONS AGRICOLES :

Nous avons un objectif ambitieux de ne pas perdre de siège d’exploitation sur la commune dans les 6 ans à venir. Pour ce faire :

Nous accompagnerons les transmissions des fermes désireuses d’être épaulées. 

Un courrier a été envoyé à tous les agriculteurs de la commune pour leur demander de contacter la mairie au cas où ils souhaiteraient arrêter leur activité.

Nous mettons en place des cafés installation/transmission .

Si 2 ou 3 agriculteurs décident de cesser leur activité au même moment, il y a peut-être des aménagements à trouver. Nous voulons faire un travail collectif.

Nous commençons à élaborer une structure communale sur le foncier.

En tant que collectivité nous pouvons préempter et acheter ; nous avons ce pouvoir notamment sur l’immobilier résidentiel. Par la suite, à voir quel outil on met en place pour l’agricole. 

Nous avons un objectif ambitieux de ne pas perdre de siège d’exploitation sur la commune dans les 6 ans à venir. Pour ce faire :

« La particularité de PLESSE, c’est qu’il n’y a pas de grandes exploitations »

Café installation. Photo : Mairie de Plessé
  1. PRIVILÉGIER UNE AGRICULTURE ÉCONOMIQUEMENT VIABLE, PLURIELLE ET DURABLE :

Terre d’élevage, Plessé a vocation à le rester. Son potentiel agronomique favorise les prairies et les cultures de printemps. Néanmoins, une nouvelle agriculture diversifiée pointe le bout de son nez, et nous nous devons d’accueillir ces nouveaux porteurs de projets. Le Plan Alimentaire du Territoire (P.A.T.), piloté par Redon Agglomération, montre un réel déficit sur le territoire en légumes et en fruits entre autres. Une vraie opportunité existe donc pour l’installation de nouveaux paysans sur ces produits alimentaires. Pour ce faire, la mairie assure une mise en relation de nouveaux·elles arrivant·e·s sur la commune avec d’autres porteurs de projets dans une dynamique similaire.

  1. FAVORISER LES CIRCUITS COURTS :

Le développement des circuits courts est en plein essor actuellement avec l’arrivée de nouveaux habitants, de nouvelles règles en matière d’approvisionnement de la restauration collective, et avec surtout la dynamique déjà existante. L’agriculture de Plessé est en première ligne. L’action communale sur la régie alimentaire municipale, sur la réflexion autour d’un magasin de producteurs et sur l’attractivité du marché dominical, apporte aussi une réponse aux demandes des habitant·e·s. Pour avoir des porteurs de projets, il faut avoir des outils derrière. La mise en place d’une régie agricole directe est un outil.

L’amour maternelle. Photo : Mairie de Plessé
  1. PROTÉGER LES RESSOURCES DE LA COMMUNE :

La quantité et la qualité de l’eau sont des préoccupations de plus en plus présentes chez des habitant·e·s, et c’est normal car l’eau est vitale. Nous pouvons agir au niveau communal. La première action est la mise en place de l’inventaire bocager. Nous assurons aussi le suivi de la qualité de l’eau du robinet avec l’apport non négligeable du collectif sans pesticides. Nous menons aussi une action de sensibilisation de l’usage de pesticides, et enfin nous orienterons vers des systèmes en agriculture biologique, ce qui est nécessaire.

  1. PRÉSERVER LE FONCIER AGRICOLE :

C’est une première étape, si nous voulons de futurs agriculteurs et sauvegarder les terres agricoles. Par l’intermédiaire de Vigifoncier (outil SAFER – Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), nous gardons un œil avisé sur les transferts de foncier à Plessé. L’objectif est de prioriser les installations et de garder le rôle premier des sols fonciers, à savoir un rôle nourricier. Les SAFER sont les seuls à avoir le droit de préemption en agricole. C’est un outil pour préempter et sécuriser les entités productives agricoles. Dans une ferme c’est un tout – on y vit, on y travaille. Si l’on commence à décloisonner les bâtiments, et les maisons, on aura perdu quelque chose. Si l’on ne fait rien, cela va être la guerre sur la spéculation des terres agricoles. Nous avons les terres agricoles les moins chères de France, puisque l’on est un bastion de la Confédération paysanne. La commune peut avoir une influence là-dessus. Il y a plusieurs leviers, dont la mobilisation de l’établissement public foncier de Loire-Atlantique] (voir la rubrique « Levier politique » ci-dessus). Autre levier, la structure communale sur le foncier (voir axe 1 ci-dessus).

  1. COMMUNIQUER POSITIVEMENT SUR L’AGRICULTURE DE LA COMMUNE :

Notre commune est belle et grande. La dynamique paysanne forgée depuis longtemps doit rester le socle de l’attractivité de notre commune. Les CUMA (Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole), l’entraide, les échanges, la convivialité entre acteurs est un élément important du bien vivre des agriculteurs de la commune. C’est un patrimoine social à sauvegarder et à transmettre aux futurs porteurs de projets. L’agriculture, pour nous, reste très important en milieu rural car ils produisent de l’alimentaire : quel aliment pour la santé, la santé de la biodiversité, la santé de l’eau, la qualité de la haie bocagère, la qualité de la biodiversité. L’agriculture est le premier employeur. Les emplois ne sont pas délocalisables.

En filigrane, nous sommes parti de l’agricole. Nous allons mettre en place un petit groupe de travail sur la réalisation d’un film. Cet outil nous permettra de mettre en avant le monde paysan et sa richesse, mais aussi toute la dynamique associative, commerçante et artisanale de Plessé. La dynamique crée la dynamique.

« L’agriculture, pour nous, reste très important en milieu rural car les paysans produisent de l’alimentaire »

Le marché dominical. Photo : Mairie de Plessé

L’échelle communale, si petite soit-elle, permet de mettre en avant les initiatives

Désormais de nombreuses communes s’intéressent à la démarche de la PAAC qui, à ce jour, n’a fait face à aucun frein au niveau politique.

Les communes se limitent souvent aux compétences qu’elles ont mais il ne faut pas. Toutefois, l’échelle communale, si petite soit-elle, permet d’expérimenter de nouvelles choses sans pour autant aller contre d’autres. On est facilitateur, c’est le rôle de l’élu. Il faut être volontariste dans ce que l’on fait et ne pas penser à la réélection.

« Ce n’est pas notre rôle de prendre par les mains les gens ; c’est important que les gens se prennent par la main »

Nous avons tout à prouver ici. La mise en place de cette politique agricole communale est innovante. Encore aujourd’hui, trop peu de communes se penchent sur cette transition ou transformation agricole. Nous allons avancer pas après pas, avec les citoyen·ne·s impliqué·e·s dans le comité.

Notre PAAC est un projet communal donc elle n’est pas LA solution mais une solution qui devrait être communiquée aux autres territoires qui, par la suite, l’adapteront à leur propre situation.

La partie est loin d’être gagnée, mais à la tristesse d’une commune sans paysan·ne·s, nous préférons largement des corps de fermes vivants.

La commune de Plessé est partenaire de Nos campagnes en résilience, projet coordonné par ARC2020. Souhaitez-vous rejoindre cette aventure proposée par ARC2020 ? Soyez les bienvenus pour vous informer, écouter, vous engager ou participer à des rencontres. Il vous suffit d’envoyer un petit mail à Valérie GESLIN, coordinatrice de projet. Et n’oubliez pas de nous suivre sur les réseaux sociaux pour avoir les dernières nouvelles du projet :  InstagramFacebookLinkedIn et Twitter.

Pour découvrir le livre « Rural Europe takes action – no more business as usual » en version électronique, cliquez ici

Une version imprimée du livre est disponible (uniquement en anglais) sur demande à Forum Synergies. Veuillez écrire à info@forum-synergies.eu Nous vous demanderons de contribuer aux frais d’expédition ; si vous souhaitez également faire un don pour soutenir notre travail (20-€ par exemplaire), nous vous en serons reconnaissants.

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